Cette fable est la deuxième fable du Livre I des Fables de La Fontaine située dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en mars 1668.

 

Lire la fable

En voici le texte original (extrait du livre distribué aux élèves de CM2 et illustré par Emmanuel Guibert) :

Ecouter la fable

Pour écouter cette fable de La Fontaine,  voici différentes versions  :

  • Sur le site Eduscol:

Ecouter la fable lue par Michel Elias

  • Sur le site des Éditions Gallimard, un extrait du CD « Le Corbeau et le Renard et autres fables »:

Ecouter la fable lue par Laurent Stocker

  • Sur le site « Il était une histoire » conçu et réalisé par Rue des Écoles, en partenariat avec MAIF  (choisir « Écouter » dans le menu déroulant en bas à gauche de l’écran »):

Ecouter la fable sur le site « Il était une histoire »

  • Un enregistrement plus ancien : celui de Fernandel, extrait de l’album « Les Fables De La Fontaine Par Louis De Funès, Fernandel Et Gérard Philipe » :

Ecouter la fable dite par Fernandel

  • On trouve aussi  des versions de 78 tours numérisés sur le site de la Médiathèque Musicale de Paris  et notamment  la fable dite par Jacques Charon  (acteur, sociétaire de la Comédie Française, 1920-1975) :

Ecouter la fable dite par Jacques Charon

  • une version en dessin animé, réalisée pour le  site jedessine.com  et par « Chez Marcel » en 2009, avec la voix de Sébastien Mothes :

Voir le dessin animé sur la chaine Youtube Miwiboo

 

Lexique

Il n’est pas nécessaire de connaitre tout le lexique pour comprendre une fable ! Voici cependant quelques explications qui peuvent être utiles lorsque l’on fait découvrir la fable à des enfants.

 

Maître Corbeau,  Maître Renard :  À l’origine, dans les corporations, titre obtenu après l’apprentissage et l’accomplissement d’un « chef-d’oeuvre »; également titre universitaire: maître ès arts; puis, par extension, employé avec le prénom, terme de respectueuse familiarité.

La Fontaine  en use ici par ironie, puisque le Corbeau n’est qu’un sot et produit un effet comique donné par la symétrie de la structure et des termes (v.1 et 3). Le Renard, lui, mérite le titre de maître en ruses.

Monsieur du Corbeau :  Expression doublement cérémonieuse, Monsieur s’employant pour les gens de qualité, et du Corbeau ayant une valeur plus expressive que Monsieur le Corbeau, par son analogie avec les formules nobiliaires. Ce respect, plus marqué que par maître, est démenti par le familier Mon bon Monsieur (v.13).

Ramage : Chant des petits oiseaux dans les rameaux : nouvelle ironie du Renard.

Phénix :  Oiseau  légendaire qui se jetait dans le feu pour renaître de ses cendres. Il était donc considéré comme un symbole de l’éternité. Dans la fable, par extension, le sens est personne unique, exceptionnelle.

 

La fable contée

Dans le cadre du projet fables, Sylvie Ronteix nous conte « Le corbeau et le renard »:

 

 

Le message et la morale de cette histoire

« Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute »

Qui est corbeau et qui est renard dans la société à l’époque du roi Louis XIV  ?

Dans cette fable, la Fontaine évoque deux acteurs principaux de la société de cette époque:

  • Le courtisan (le renard) qui, pour obtenir ce dont il a besoin, flatte et dit tout ce que les personnes de pouvoir veulent entendre.
  • Le courtisé haut perché sur l’échelle sociale (le corbeau haut perché sur sa branche),  sensible aux belles paroles des courtisans qu’il écoute et qui , finalement, le font vivre.

Le courtisé ne vit en définitive que pour ces compliments et fait vivre les courtisans qui demeurent à ses dépends. Le courtisé et le courtisan sont au final tous les deux dépendant l’un de l’autre.

À une époque où la flatterie est un art, La Fontaine choisit de critiquer, non pas les flatteurs mais ceux qui les écoutent. Il montre que la supériorité sociale ne fait pas tout et dénonce la vanité humaine.

Sous Louis XIV, les artistes et écrivains dépendent du mécénat et du pouvoir royal. Impossible pour eux de critiquer ouvertement les membres de la royauté ou du clergé. La Fontaine réussit la critique implicite grâce à l’utilisation des animaux.

Dans cette fable, le voleur et menteur est le renard, mais c’est bien le corbeau, vaniteux, qui est raillé et le renard qui sort victorieux.

La morale est énoncée par le renard lui-même, à celui qu’il a dupé. Cela la rend encore plus cruelle envers le dupé.

Une lithographie datant de 1829 de  Levillly rend plus explicite le message de la fable :

 

Le message de la fable, le pouvoir de la parole séduisante, reste cependant d’actualité. Avec des enfants ou des adolescents, on peut débattre sur les beaux parleurs, le mensonge, les dangers des réseaux sociaux, etc…

 

L’origine de la fable

 

De nombreuses versions de cette fable ont pu inspirer Jean de La Fontaine :

Ésope:

LE CORBEAU ET LE RENARD

Un corbeau, ayant volé un morceau de viande, s’était perché sur un arbre. Un renard l’aperçut, et, voulant se rendre maître de la viande, se posta devant lui et loua ses proportions élégantes et sa beauté, ajoutant que nul n’était mieux fait que lui pour être le roi des oiseaux, et qu’il le serait devenu sûrement, s’il avait de la voix. Le corbeau, voulant lui montrer que la voix non plus ne lui manquait pas, lâcha la viande et poussa de grands cris. Le renard se précipita et, saisissant le morceau, dit : « Ô corbeau, si tu avais aussi du jugement, il ne te manquerait rien pour devenir le roi des oiseaux. »

Cette fable est une leçon pour les sots.

 

Phèdre:

 

Plusieurs versions datent du Moyen-âge :

Celle de Walter l’Anglais. (XIIeme siècle)
Walter l’Anglais mit en vers français un recueil de fables en latin, donnant ainsi un Isopet (du nom d’Ésope) qui servit souvent de modèle à nos fabulistes. Il était sans doute le chapelain du roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt.

Du renard et du corbeau

Sire Tiercelin, le corbeau
Qui croit être agréable et beau,
Tenait en son bec un fromage.
Renard, qui fit bien des dommages,
Parmi le bois chassait, courant
Comme quelqu’un de faim mourant.
Ce fromage, qu’il pouvait voir,
Il sait qu’il ne pourra l’avoir
Que par sa ruse et par son art.
« Ah ! beau Tiercelin, dit Renard,
D’une si belle parenté,
Dommage que vous ne chantiez
Aussi bien que fit votre père.
Car si vous chantiez, par saint Pierre,
Je crois qu’en ce bois n’y aurait
Oiseau qui tant à tous plairait. »
Le corbeau ne voit pas la ruse
Par laquelle Renard l’abuse.
Il croit plaire à tous par son chant.
À chanter il s’applique tant
Que le fromage vient tomber.
Renard n’en est pas étonné.
Il n’avait pas goûté le chant ;
Mais quant au fromage, il le prend :
Le mangea tout entier, Renard.
Tiercelin n’en eut jamais part.
Le corbeau en fut malheureux,
Il enfle son dos, tout honteux…

 

Celle de Marie de France (XIIe siècle) qui  vécut à la cour d’Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine. Elle est considérée comme la première femme poète française. Elle nous a laissé des poèmes d’amour et un recueil de fables dans lequel se trouve celle-ci:

D’un corbeau qui prit un fromage 

Il arriva, et peut bien être,
Que par-devant une fenêtre
Qui en une réserve était,
Vola un corbeau. Il voyait
Des fromages qui s’y trouvaient
Et sur une claie ils gisaient.
Il en prit un et s’en alla.
Un renard vint. Le rencontra.
Du fromage, il eut un grand désir
En manger sa part à loisir.
Par ruse, il voulut essayer
Si le corbeau il peut tromper.
 » Ah ! Seigneur, lui dit le goupil,
Comme cet oiseau est gentil !
Au monde n’est aucun oiseau
Que mes yeux ne virent si beau !
Si son chant est comme son corps,
Il est plus précieux que de l’or ! «
Le corbeau s’entend louangé,
Dire qu’il n’est pas égalé.
Il réfléchit qu’il chantera.
Pour chanter, son bien ne perdra.
Son bec ouvrit, et commença.
Le fromage lui échappa.
A terre, le laissa tomber,
Et le renard put l’attraper.
Puis ne se soucia plus du chant
Car du fromage eut son talent.
Moralité
C’est l’exemple des orgueilleux
Qui de grands prix sont désireux.
Par tromperie et par mentir,
On peut à leur gré les servir.
Leurs biens dépensent follement
Par fausse louange des gens.

 

Une des aventures du Roman de Renart  est intitulée :

Comment Tiecelin le corbeau prit un fromage à la vieille, et comment Renart le prit à Tiecelin.

On peut trouver sur le site Wikisource le texte établi par Paulin Paris en   :

Cliquer ici pour lire la 4ème aventure du Roman de Renart

« Mon Dieu, s’émerveille Renart, comme votre voix devient claire !
Comme elle devient pure !
Si vous renonciez à manger des noix,
vous chanteriez le mieux du monde.
Chantez donc une troisième fois ! »
[Le corbeau] s’époumone
et, tout à son effort, il ne s’aperçoit pas
que sa patte droite se desserre.
Et le fromage de tomber à terre
tout juste aux pieds de Renart. »

Roman de Renart, branche II, traduite par Jean Dufournet et Andrée Méline.

On trouve également la version de Gilles Corrozet (1510 — 1568). Libraire et imprimeur, il est l’auteur de nombreuses œuvres didactiques. Il versifia en langue française les fables d’Ésope en 1542.

DU CORBEAU ET DU RENARD

Un noir corbeau dessus un arbre était
Et en son bec un fromage portait
Qu’il avait pris ; un renard, d’aventure,
Passait par là qui cherchait sa pâture,
Et, voyant le corbeau et sa proie,
La convoita, puis s’arrête en la voie,
Et, en louant faussement le corbeau,
Dit : « Mon ami, que ton plumage est beau !
J’aperçois bien à cette heure que non
Est vrai le bruit et le commun renom :
Car chacun dit que noir est ton plumage,
Mais il est blanc, voire blanc davantage
Que neige n’est, ni le lait, ni les cygnes.
Si donc avec tes plumes tu avais
Le chant plaisant et délectable voix,
Certes, ami, je te jure ma foi
Que tu serais sur tous oiseaux le roi. « 
Lors le corbeau, ému de gloire vaine,
Ouvre le bec, et de chanter prend peine,
Et le fromage alors chut promptement.
Renard le prend et fuit soudainement.
Le corbeau crie en se voyant déçu :
 » Je suis trompé, je l’ai rien aperçu,
Et connais bien qu’on ne doit jamais croire
À un flatteur qui donne vaine gloire. « 

 

Une autre version de Guillaume Haudent, poète moraliste français du XVIe siècle :

D’un corbeau et d’un renard

Comme un corbeau, plus noir que n’est la poix,
Était au haut d’un arbre quelquefois
Juché, tenant à son bec un fromage,
Un faux renard vint quasi par hommage
A lui donner le bonjour ; cela fait,
Il est venu à l’extoller à fait
En lui disant : « Ô triomphant corbeau,
Sur tous oiseaux me sembles de corps beau
Et pour autant les ceux qui noir te disent
Très méchamment de ta couleur médisent
Vu que tu es par très apparent signe
De trop plus blanc que ne fut oncques cygne,
Et que le paon en beauté tu excèdes,
S’ainsi est donc que la voix tu possèdes
Correspondant à ta beauté de corps,
C’est assavoir, fondée en doux accords
Pour bien chanter, entends pour vrai et croi
Que des oiseaux es digne d’être roi ;
A cette cause j’aurais bon appétit
D’ouïr ta voix déployer un petit a,
Quand pour certain quelque chose qu’on nie
Ton chant me semble être plein d’harmonie. »

Par tels propos adulatifs et feints
Qu’a ce renard cauteleux et atteints,
Le sot corbeau fut tant de gloire épris
Qu’incontinent à chanter il s’est pris,
Dont par sa gloire il encourut dommage
Quand hors du bec lui en chut le fromage,
Que ce renard tout exprès attendait
Car autre chose avoir ne prétendait
Vu qu’aussitôt qu’il en fut jouissant
Il s’enfuit, voire en se gaudissant
De ce corbeau, ainsi pris par son art
Bien lui montrant qu’il était vrai conard.

 

Les contemporains de La Fontaine

Le quatrain d’Isaac de Benserade (1676) :

Charles Perrault

Charles Perrault a écrit 39 fables correspondant aux 39 fontaines du Labyrinthe de Versailles représentant chacune une fable d’Ésope traduite et remaniée en quatrain par Bensérade. Perrault a composé les siennes en les transposant dans le registre de la galanterie. Voici sa version du corbeau et du renard:

Un Renard voyant un fromage dans le bec d’un Corbeau, se mit à louer son beau chant. Le Corbeau voulut chanter et laissa choir son fromage que le Renard mangea.

On peut s’entendre cajoler,
Mais le péril est de parler.

 

Charles Perrault a également publié une traduction d’une des Fables de Faërne : 

Sur le haut d’un chêne, un Corbeau
Tenait dans son bec un fromage ;
Quel est ce merveilleux Oiseau
Que je vois sur ce branchage ?
Dit un Renard : qu’il est grand, qu’il est beau
Rien n’approche de son plumage ;
Aux moindres rayons du soleil,
Il prend mille couleurs d’un éclat sans pareil.
Aimable Oiseau je vous salue ;
Si vous charmez l’ouïe aussi bien que la vue,
Je vous tiens le plus beau des habitants de l’air,
Sans même en excepter l’oiseau de Jupiter.
L’Oiseau pipé fit son ramage,
Et laisa tomber son fromage.
Corbeau, dit aussitôt le Renard qui le prit,
Vous avez tout hors de l’esprit.
Louer en face est une lâche ruse
Et pour s’y laisser prendre il faut être bien buse.

Traduction des Fables de Faërne (Gabriele Faerno): 1699

Et après La Fontaine…

Henri Richer 

Henri Richer (1685 — 1748) fut avocat avant d’être poète et publia plusieurs recueils de Fables.

Maître Corbeau, voyant Maître Renard
Qui mangeait un morceau de lard
Lui dit : « Que tiens-tu là, compère ?
Selon moi, C’est un mauvais plat.
Je te croyais le goût plus délicat.
Quand tu veux faire bonne chère,
T’en tenir à du lard ! Regarde ces canards,
Ces poulets qui fuient leur mère ;
Voilà le vrai gibier de messieurs les renards :
As-tu perdu ton antique prouesse ?
Je t’ai vu cependant jadis un maître escroc.
Crois-moi ; laisse ton lard ; ces poulets te font hoc,
Si tu veux employer le quart de ton adresse. « 
Maître Renard ainsi flatté,
Comme un autre animal, sensible à la louange,
Quitte sa proie et prend le change.
Mais sa finesse et son agilité
Ne servirent de rien ; car la gent volatile
Trouva promptement un asile.
Notre renard retourne à son premier morceau.
Quelle fut sa surprise ! il voit Maître Corbeau
Mangeant le lard, perché sur un branchage ;
Et qui lui cria : « Mon ami,
À trompeur, trompeur et demi ! «

 

 Louis Jauffret (1814)

Louis Jauffret (1770 — 1850)  était un pédagogue novateur, pionnier de l’anthropologie, moraliste, fabuliste. Il  fut proviseur du Lycée de Monbrison, puis secrétaire de la Faculté de Droit à Aix-en-Provence.
Il  a publié de nombreux ouvrages, dont beaucoup pour la jeunesse.
Son recueil de Fables est daté de 1814 :

Le corbeau et le renard 

Certain jour que des prés il rasait la surface,
Maître corbeau, sur le gazon,
Trouve un morceau de chair. Soudain, l’oiseau vorace,
Ignorant que l’appât recèle du poison,
L’enlève, et prend son vol vers le prochain vallon.
Là, perché sur un arbre, et contemplant sa proie,
Avant de l’avaler, il croasse de joie.
Heureusement pour lui, ses sauvages accents,
Que les échos rendaient encore plus perçants,
Attirent un renard. L’hypocrite compère,
De loin, lorgne le mets, l’examine, le flaire,
Estime qu’il sera des plus appétissants.
Il salue humblement le sire au noir plumage :
 » Oiseau de Jupiter, accepte mon hommage !
Cria-t-il au corbeau. Que je dois te bénir !
Tu nourris ma vieillesse avec un soin unique,
Et, d’un renard goutteux, cassé, paralytique,
Ta bonté, chaque jour, peut bien se souvenir.
— Pour qui me prends-tu, je te prie ?
Interrompt le corbeau. — Pour l’aigle généreux,
Appui de ma mourante vie,
Qui daigne, chaque jour, venir, du haut des cieux,
M’apporter à dîner dans ce lieu solitaire.
– Oh ! oh ! je passe donc pour un aigle à tes yeux !
Dit le corbeau tout bas ; il s’y connaît, je pense,
Avec l’aigle, en effet, j’ai quelque ressemblance.
Allons… De l’envoyé du souverain des Dieux
Soutenons jusqu’au bout le rôle glorieux,
Et donnons au renard ce mets pour récompense. « 
Il dit, lâche sa proie, et regagnant les airs,
Feint de se diriger au séjour des éclairs.
Le renard, d’une dent gloutonne,
Fond sur le mets empoisonné.
Vous devinez son sort. Bientôt l’infortuné
Ressent d’affreux tourments. Il s’agite, il frissonne,
À l’aspect du trépas dont l’horreur l’environne.
Il expire dans les douleurs.
Que ne peuvent ainsi périr tous les flatteurs !

 

Jean-Luc Moreau (1992)

La version de Jean-Luc Moreau, écrivain, poète, universitaire et traducteur français, prend le point de vue du corbeau;

Le Renard et le Corbeau
ou si l’on préfère
La (fausse) Poire et le (vrai) Fromage

Or donc, Maître Corbeau,
Sur son arbre perché, se disait : ” Quel dommage
Qu’un fromage aussi beau,
Qu’un aussi beau fromage
Soit plein de vers et sente si mauvais…
Tiens ! Voilà le renard. Je vais,
Lui qui me prend pour une poire,
Lui jouer, le cher ange, un tour de ma façon.
Ça lui servira de leçon ! “
Passons sur les détails, vous connaissez l’histoire :
Le discours que le renard tient,
Le corbeau qui ne répond rien
( Tant il rigole ! ),
Bref, le fromage dégringole…
Depuis, le renard n’est pas bien ;
Il est malade comme un chien.

Extrait du  livre « Jean-Luc MOREAU, Poèmes de la souris verte, »

Les versions en argot

Vous avez sans doute déjà entendu cette version argotique qui circule  depuis longtemps mais dont on ne connaît malheureusement pas l’auteur :

Le corbac et le rocneau

Un pignouf de corbac, sur un touffu, paumé,
S’envoyait par la tronche, un coulant barraqué.
Un goupillé d’rocneau qui n’avait pas clappé,
Se radina lousdé pour le baratiner :
 » Hé ! Mon pote le corbac,
Je n’avais pas gaffé que t’étais si chouette
Et si bien baraqué.
Si tu pousses ta gueulante aussi bien que t’es fringué,
T’es l’caïd des mecs de ce bled ! «
Le corbac, pas mariole,
Lui lâcha le coulant sur la fiole.
Moralité :
Chacun, dans son louinqué,
S’il veut rester peinard,
Doit fermer son clapet
Devant les combinards.

Jean de la Pisseuse.

 

Bernard Gelval a publié 2 recueils de  Fables et récits en argot.

On y trouve cette version du corbeau et le renard (1945):

Le corbac et le goupil

Un pignouf de corbac sur un abri planqué
S’envoyait par la fiole un coulant barraqué.
Un goupil n’ayant eu qu’un cent d’clous pour bectance,
S’en vint lui dégoiser un tantinet jactance :
Salut, dab croasseur ! Lui bonnit-il d’autor.
En disant qu’t’es l’plus beau, j’ai pas peur d’avoir tort !
Si tu pousses la gueulante aussi bien qu’t’es nippé,
T’es l’mecton à la r’dresse des mectons du boicqué ! «
À ces ragots guincheurs qui n’étaient pas mariolles,
Le corbac lui balance le roulant par la fiolle.
 » Enlevé, c’est pesé, j’tai baisé, dit l’goupil.
Fais bien gaffe aux p’tits gonzes qui t’la font à l’estoc,
Et t’gazouillent par la couâne des bobards à l’esbroff. « 

 

Il y a celle de Pierre Perret, en argot:

Cliquer sur ce lien pour lire la fable

Cette version de Pierre Perret fait partie d’une série de films d’animation « Les fables géométriques ». Cette série, produite en 1989-1992 comprends 50 fables réécrites par Pierre Perret :

 

 Une suite

Gudule , auteur jeunesse belge, propose cette contrefable, extraite du livre : Après vous, M. de La Fontaine – Gudule – Hachette Jeunesse 2015 :

 

Contrefable

Le corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus !

Ayant un long moment médité l’aventure
Le Corbeau s’envola, avec l’espoir ténu
De dénicher dans la nature
Quelque chiche aliment à mettre à son menu.
Il scrutait la forêt, sous lui, lorsque soudain
Des coups de fusil retentissent.
Renard, surpris en plein festin,
Lâche son camembert et dans un trou se glisse.
 » Oh oh ! dit Corbeau, l’occasion est trop belle ! «
Sur le fromage, il fond à tire-d’aile
Et dans les airs l’emporte sans tarder.
Juste à temps ! La main sur la gâchette
Cherchant à repérer de Goupil la cachette
Apparaît l’homme armé.
Mais du gibier qu’il traque il ne trouve point trace :
Bredouille, le chasseur abandonne la chasse.
Par son larcin, Corbeau, sans le savoir,
A sauvé la vie du fuyard.
Tout penaud, le Renard sort alors de son antre
Et devant le Corbeau qui se remplit le ventre
Constate en soupirant : « Je vais jeûner, ce soir ! «
Mais l’autre calmement descend de son perchoir
Et posant sur le sol ce qui reste du mets
Invite son compère à se joindre au banquet.
 » Tu es rusé, dit-il, et moi je fends l’espace,
Ensemble nous formons un duo efficace.
Plutôt que de chercher l’un l’autre à nous voler
Pourquoi ne pas nous entraider ? «
Honteux et confus, le Renard
De la proposition admit le bien-fondé,
Jurant, mais un peu tard,
D’exercer désormais la solidarité.

Extrait du livre : Après vous, M. de La Fontaine – Gudule – Hachette Jeunesse 2015

 

Les versions musicales

La fable a été mise en musique par Jacques Offenbach en 1842, Camille Saint-Saëns en 1850 (?), Benjamin Godard en 1872, Charles Gounod en 1882, Charles Lecoq en 1885, Léopold Dauphin en 1898, André Caplet en 1919, Dmitri Chostakovitch en 1921, Maurice Delage en 1931, Marcelle de Manziarly en 1935, Francis Poulenc en 1940, Joseph Jongen en 1941, Paul Hindemith en 1942, par Charles Trénet et Django Reinhardt (qui l’ont interprétée) en 1941, puis Ferenc Farkas en 1977, par Xavier Benguerel (1998)….Voici une chronique sur France Musique qui, en 3 minutes, vous parlera de l’univers musical de cette fable :
Battements de chœur-France Musique-Variations sur la cigale et la fourmi

Dans sa volonté de partager son amour de la poésie avec les plus jeunes, le chanteur Grégoire met à disposition son album Poésies de notre enfance, dans lequel il  met en musique et interprète quelques-uns des grands poèmes enseignés à l’école, de La Fontaine à Maurice Carême.
On trouve donc sur un site de l’académie de Versailles, l’enregistrement des chansons, les versions instrumentales, les partitions…. Merci à lui pour ce généreux partage ! 
Cliquer ici pour accéder à la chanson et aux ressources proposées par Grégoire

 

 

Une belle version du groupe Les octaves extraite de l’album Jean de La Fontaine : Le retour
( Chanson de Xavier Lacouture – Musique de Jean Claude Bramly)

 

Steve Rousseau est bibliothécaire jeunesse au sein de la ville de Puteaux. Il a développé un projet musical autour des Fables de Jean de la Fontaine, dans le cadre de son quadri centenaire. L’objectif était de rendre ludique et facile, l’apprentissage des fables étudiées en classe, en utilisant la musique comme support, mais également d’en faire découvrir de nouvelles.

La version qu’il propose du Corbeau et du Renard mêle le texte de la Fontaine et un refrain qui vise à la rendre explicite .

Cliquer sur ce lien pour accéder au morceau sur la chaine Youtube de Steve Rousseau

 

Le conteur Jacques Bourgavel propose une version chantée de la fable sur sa chaîne Youtube :

Cliquer ici pour écouter la chanson de Jacques Bourgavel

Les illustrations

La  fable a inspiré de nombreux illustrateurs à travers les siècles.

L’association Calliope, qui défend les arts de la parole, a regroupé près de 50  illustrations de cette fable.

Cliquer sur ce lien pour accéder au document de l’association Calliope

Bravo et merci à eux pour ce travail !

De manière moins exhaustive, voici la présentation de quelques illustrations anciennes:

 

Le corbeau et le renard, illustration par François Chauveau (1613-1676), pour les « Fables choisies mises en vers par M. de la Fontaine », Claude Barbin et Denys Thierry, Paris, 1668

 

 

 

Gustave Doré  (vers 1867):  Dessin préparatoire pour l’illustration des fables de La Fontaine : Plume, encre, lavis, gouache blanche, sur bois

 

Eugène Grivaz (1852 – 1915)
Fables de La Fontaine filtrées par Aurélien Scholl Paris, Dentu, 1886

 

Kadji-ta Han-ko, artiste japonais (1894)

Pour en savoir plus sur les fables illustrées par des artistes japonais:
Cliquer ici pour accéder à l’article du site baxleystamps.com

 

Felix Lorioux (1872 – 1964)
dans « Fables de la Fontaine »,
Paris Librairie Hachette, 1922

 

Raymond de Nézière (1865 – 1953)
dans « Fables de La Fontaine »,
édité par Alfred Mame et Fils, Tours, 1923

Les récupérations publicitaires

Depuis longtemps, le thème de cette fable a été source d’inspiration… Le fromage devient alors:

Des pastilles pour la gorge

 

Un antalgique

 

Publicité pour un laxatif

 

 

Dans les livres de lecture

Pour finir, des réécritures de la fable issues de livres de lecture  anciens sous forme de contes :

Le corbeau, le renard et le fromage – Paulette Lequeux dans le manuel L’Oiseau-Lyre CP-CE1 :

 

 

 

La Joie de lire : Contes et récits pour le CE1, Henri Filloux, ( vers 1945 ?) 

 

 

 

Notre premier livre de vocabulaire, Cours élémentaire, David, Haisse, Bouret, Fernand Nathan (1951):